Chaque année, au mois de mars, une vallée isolée en Angola devient le théâtre d’un phénomène naturel rare : des centaines de milliers de faucons kobez s’y retrouvent pour un banquet exceptionnel avant d’entamer leur longue migration. Attirés par un envol massif de termites ailés, ces rapaces profitent de cette abondance alimentaire pour reprendre des forces avant un voyage de plusieurs milliers de kilomètres vers l’Europe de l’Est et l’Asie centrale.
Un festin géant dans la vallée de Huambo
Située dans la province d’Huambo, à environ 1 800 mètres d’altitude, cette vallée est le point de convergence des faucons kobez. Chaque soir, pendant plusieurs semaines, le ciel s’emplit d’un nuage d’oiseaux au plumage gris, tandis que les mâles se distinguent par leurs pattes rougeâtres. Dans un ballet impressionnant, ils capturent en vol les termites qui émergent du sol boueux au cœur de la saison des pluies. Ce spectacle naturel, baptisé « Falcopolis » par les ornithologues, est unique au monde par l’ampleur des rassemblements qu’il génère.
Une étape vitale avant une migration de 8 500 kilomètres
Ce rendez-vous est crucial pour la survie des faucons kobez, dont la population mondiale est estimée à environ 400 000 individus. Avant de parcourir jusqu’à 8 500 kilomètres vers leurs zones de reproduction dans les steppes d’Asie centrale et d’Europe de l’Est, ces rapaces doivent prendre du poids. En se nourrissant intensément des termites riches en protéines, ils augmentent leur poids d’environ 20 % pour affronter ce périple long et éprouvant.
La découverte scientifique de Falcopolis
Pendant longtemps méconnu, ce phénomène a été documenté grâce aux travaux de l’ornithologue hongrois Péter Palatitz. Expert du faucon kobez, il a suivi ces oiseaux notamment en Hongrie, où leur population avait fortement diminué à cause de la disparition des nids naturels. En effet, le faucon kobez ne construit pas son propre nid, mais utilise ceux d’autres oiseaux comme les corbeaux. La réduction de ces corvidés a donc impacté directement sa survie.
Grâce à des balises GPS, Palatitz a découvert que les faucons se retrouvaient chaque année en Angola, dans une région difficile d’accès et marquée par les séquelles de la guerre civile. Pour protéger les oiseaux, la localisation exacte de Falcopolis reste confidentielle.
Menaces sur la halte angolaise
Malgré sa protection officielle, ce site crucial est menacé par l’industrialisation rapide de l’agriculture locale. L’usage accru de pesticides détruit la base alimentaire des faucons en éliminant termites et autres insectes. Par ailleurs, la chasse illégale perdure, certains vendant encore des faucons vivants capturés au petit matin, lorsque leurs plumes mouillées les empêchent temporairement de s’envoler.
Vers une protection locale et durable
Conscient de ces défis, Péter Palatitz collabore avec des volontaires angolais pour former des observateurs à la protection des faucons. En impliquant les communautés locales, une dynamique de préservation s’est mise en place, permettant de surveiller et protéger cette population fragile.
Falcopolis est ainsi un exemple remarquable d’équilibre entre la nature et l’homme. Protéger ce site unique est essentiel pour garantir la survie à long terme du faucon kobez, un rapace vulnérable face aux transformations rapides de son habitat.